Entretien avec Pr Yoram Bouhnik, chef du service de Gastroentérologie, MICI et Assistance Nutritive à l’hôpital Beaujon, Clichy.
Maladie de Crohn, quand on sait ce que c’est, signifie maladie incurable. Est-ce vraiment le cas ?
Il faut relativiser les choses. On a beaucoup parlé des formes sévères de la maladie. Mais, dans la majorité des cas, heureusement, l’évolution est plus bénigne. Maladie de Crohn, quand on sait ce que c’est, signifie maladie incurable. Est-ce vraiment le cas ?
L’arrivée des nouveaux médicaments anti-TNF et la meilleure connaissance de leur maniement ont permis de débloquer des situations autrefois très graves ou seules des chirurgies mutilantes ou des traitements nutritionnels prolongés pouvaient être proposés, et également d’aspirer à de nouveaux objectifs, comme une cicatrisation rapide et complète des lésions, ce qui semble être un facteur extrêmement important pour mieux contrôler l’évolutivité à moyen terme de la maladie.
Les éventuelles interventions chirurgicales sont aussi plus ciblées…
La chirurgie a également fait des progrès importants, avec la majorité des interventions qui peut maintenant être réalisée sous coelioscopie, c'est-à-dire sans cicatrice abdominale importante, mais qui reste encore, pour les formes compliquées, l’apanage de centres experts en chirurgie du côlon et en chirurgie coelioscopique.
On a donc fait des progrès, même s'il reste encore à en faire...
La recherche est extrêmement active dans ce domaine, avec un soutien majeur en France de l’association François Aupetit (AFA) qui finance des programmes de recherche fondamentale, clinique et thérapeutique, en plus de son travail d’information et de soutien aux malades et à leurs proches.
Tout ceci apporte un immense espoir. Certes, on ne peut pas encore parler de guérison de la maladie, au sens strict du terme, c'est-à-dire rémission durable sans aucun signe clinique, biologique ou endoscopique et aucun traitement, mais on peut permettre à une majorité de patients d’avoir une qualité de vie normale ou presque.
On a donc fait des progrès, même s'il reste encore à en faire...
La recherche est extrêmement active dans ce domaine, avec un soutien majeur en France de l’association François Aupetit (AFA) qui finance des programmes de recherche fondamentale, clinique et thérapeutique, en plus de son travail d’information et de soutien aux malades et à leurs proches.
Tout ceci apporte un immense espoir. Certes, on ne peut pas encore parler de guérison de la maladie, au sens strict du terme, c'est-à-dire rémission durable sans aucun signe clinique, biologique ou endoscopique et aucun traitement, mais on peut permettre à une majorité de patients d’avoir une qualité de vie normale ou presque.
Quel message pourriez-vous faire passer aux patients ?
Des patients craignent souvent par-dessus tout d’avoir à subir un traitement chirurgical, voire une stomie (anus artificiel), et sont préoccupés par le caractère imprévisible de la maladie et le risque de poussée, les gênant dans leurs projets de vie personnels, familiaux et professionnels.Il faut leur rappeler qu’une fois sur deux, la maladie est tout à fait bénigne et ne nécessite même pas de traitements majeurs. La grossesse est tout à fait envisageable, avec une surveillance adaptée, et le risque de transmission de la maladie à l’enfant est relativement faible.
Le risque de cancer intestinal à long terme est actuellement quasiment diminué de moitié, grâce à des traitements simples et une surveillance endoscopique régulière. Quant à la vie sexuelle, il faut rappeler qu’elle est normale dans la grande majorité des cas, sauf peut-être lorsqu’il existe des lésions actives dans la région du périnée. Bref, il faut dédramatiser cette maladie, qui, certes, peut être invalidante dans les cas sévères, mais reste bénigne et bien contrôlée dans la majorité des cas.
Comment cela a-t-il commencé ?
Je me suis mise à vomir et à avoir de la diarrhée. Au début, bien sûr, on a diagnostiqué une gastro. En fait, je revenais d’un séjour en Afrique. Les médecins ont donc d’abord pensé à une turista ou à des amibes. Mais au bout de plusieurs semaines, ça continuait !
J’ai vu un gastro-entérologue qui a assez vite pensé à la maladie de Crohn. Il m’a expliqué de quoi il s’agissait. J’avais comme alternative soit de m’enfermer chez moi et de ne plus bouger, soit de continuer mes activités normalement. J’ai opté pour la seconde option. J’avais 30 ans. Vous imaginez ? Si j’étais restée cloîtrée, je n’aurais plus eu de vie.
J’ai vu un gastro-entérologue qui a assez vite pensé à la maladie de Crohn. Il m’a expliqué de quoi il s’agissait. J’avais comme alternative soit de m’enfermer chez moi et de ne plus bouger, soit de continuer mes activités normalement. J’ai opté pour la seconde option. J’avais 30 ans. Vous imaginez ? Si j’étais restée cloîtrée, je n’aurais plus eu de vie.
Au quotidien, comment avez-vous vécu votre maladie ?
Comme un handicap. A chaque fois que j’allais au cinéma ou même à mon travail, j’avais la hantise d’être victime d'une crise. Vous imaginez bien. Vous êtes au restaurant avec vos amis et tout à coup, vous devez, en urgence, aller chercher les toilettes. C’était le cas pour toutes les sorties. Donc, il m’est arrivé bien souvent de refuser des sorties à cause de ça.
Au plan social, difficile ! Cela limite tous les plaisirs de la vie. Et j’ai le plus souffert à ce niveau-là. Au point d’avoir des grosses crises de déprime. Et pas trop d’avenir en vue... J’arrivais bien à m’occuper de mes enfants, j’arrivais bien à travailler, quand même. Mais, pour moi, le plaisir personnel, je n’en avais quasiment plus.
Au plan social, difficile ! Cela limite tous les plaisirs de la vie. Et j’ai le plus souffert à ce niveau-là. Au point d’avoir des grosses crises de déprime. Et pas trop d’avenir en vue... J’arrivais bien à m’occuper de mes enfants, j’arrivais bien à travailler, quand même. Mais, pour moi, le plaisir personnel, je n’en avais quasiment plus.
Depuis quelques années, vous avez trouvé un traitement qui vous convient ?
Les biothérapies, en effet. Les anti-TNF alpha. Mon médecin m’a parlé de ça, il y a quelques années. Au début, on ne savait pas trop quel effet cela pourrait avoir sur moi. On en était au début des biothérapies. Et ça a marché, ça m’a bien soulagée. Cela signifie que maintenant, je peux sortir, sans avoir cette crainte permanente d’un malaise en public. Cela m’a soulagée aussi au plan articulaire.
Car, j’avais développé une sorte d’arthrite, très invalidante. J’avais des douleurs, au niveau du dos, tout le temps. Alors, les malaises digestifs, plus les douleurs articulaires, c’est vrai qu’il y a des moments où j’avais envie de baisser les bras. Heureusement que j’avais mes enfants pour me soutenir moralement et me donner une bonne raison de m’accrocher. Mais là, depuis quelques temps, ça va vraiment mieux. Je souffre beaucoup moins. J’ai pu reprendre pas mal d’activités. Du coup, le moral aussi est meilleur.
Car, j’avais développé une sorte d’arthrite, très invalidante. J’avais des douleurs, au niveau du dos, tout le temps. Alors, les malaises digestifs, plus les douleurs articulaires, c’est vrai qu’il y a des moments où j’avais envie de baisser les bras. Heureusement que j’avais mes enfants pour me soutenir moralement et me donner une bonne raison de m’accrocher. Mais là, depuis quelques temps, ça va vraiment mieux. Je souffre beaucoup moins. J’ai pu reprendre pas mal d’activités. Du coup, le moral aussi est meilleur.