Bactéries et maladie de Crohn

28.4.11

Au risque de me répéter, les bactéries sont partout. Il y a quelques années, on les trouvait à l'origine de l'ulcère gastrique (tiens, un autre prix Nobel), de l'obésité, ou peut-être même de l'arthrose, c'est-à-dire à l'origine de maladies que l'on ne pensait pas être infectieuses. La liste vient de s'élargir à la maladie de Crohn, maladie auto-immune du système digestif, qui serait due, non pas à la présence d'un agent pathogène, mais plutôt à l'absence d'une bactérie!
Cette découverte a été largement diffusée, peut-être parce qu'elle émane de chercheurs français, certainement parce que la maladie de Crohn touche des centaines de milliers de personnes dans nos contrées occidentales, et que ses causes sont restées mystérieuses: "it is disappointing that we are still ignorant of the cause or cure of Crohn's disease, despite a tremendous amount of research in recent years", pouvait-on lire dans cet article de 1988. On conçoit sans peine la frustration accumulée vingt ans après, et que les travaux qui y ont mis fin soient publiés dans PNAS. Au passage, il est amusant que deux semaines auparavant ait été publié dans le même journal un article proposant un test pour trouver les bases génétiques de cette même maladie...
Nos chercheurs ont remarqué chez des patients atteints de la maladie de Crohn un déficit en bactéries à Gram positif, en particulier dans l'espèce Faecalibacterium prausnitzii. Comme d'habitude, on pourrait objecter que l'absence de cette bactérie est une conséquence et non une cause de la maladie de Crohn. En effet, la réponse inflammatoire qui en est l'apanage n'est pas sans effet sur la composition de la flore intestinale, bien au contraire. C'est là qu'intervient la seconde partie de l'étude, où les propriétés anti-inflammatoires de cette bactérie sont mises en évidence, d'abord sur des cellules humaines en culture, chez lesquelles elle réduit l'émission de molécule pro-inflammatoires connues. Plus convaincant et plus intéressant, cette bactérie administrée à des souris atteintes d'un modèle de maladie de Crohn atténue leurs symptomes, et cet effet peut être reproduit au moyen des molécules secrétées par la bactérie dans son milieu (le surnageant de culture). Les auteurs concluent donc que l'on peut imputer la maladie de Crohn à un manque de la bactérie F. prausnitzii, car celle-ci est peu abondante chez les malades, et possède des propriétés anti-inflammatoires qui soulagent les symptômes de cette même maladie chez la souris (grâce à des molécules trèèèès prometteuses).
Il est certes intéressant de découvrir une cause "infectieuse" à une maladie, d'explorer les complexes interactions du corps humain avec sa flore commensale (comme dans le cas de l'obésité), mais aussi de secouer ces bons vieux postulats de Koch. En effet, avec cette causalité "en creux", il est impossible de réaliser une culture pure de bactérie qui provoque la maladie, dont la cause est pourtant bactérienne! En quelque sorte, l'agent infectieux de cette maladie, c'est l'ensemble de notre flore digestive moins F. prausnitzii, sans même mentionner l'influence de l'alimentation, du système immunitaire, des facteurs génétiques et environnementaux...

Enfin, comme de juste, cette découverte permet d'espérer un nouveau traitement préventif basé sur cette bactérie "probiotique", et, qui sait, un nouveau yaourt? "Danacrohn"?

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