anneau gastrique : Préparation psychologique

2.5.11

"FACE A L’OBESITE : LE BISTOURI NE PEUT AGIR SEUL"
Dr Patrick BERGEVIN
Article paru dans la revue « Obésité » 2008 – 3 – p 92 à 95 - Springer

Résumé


Les facteurs responsables de l’obésité sont multiples, mais la part psychologique est toujours présente et même souvent prépondérante. L’engouement pour les solutions chirurgicales l’a fait trop souvent négliger. Or l’obésité ne peut se traiter efficacement ni sans risque d’une façon uniciste. Il est grand temps d’en prendre vraiment conscience et d’obliger les candidats pour la chirurgie bariatrique, à une prise en charge psychologique préalable d’une durée suffisante pour permettre sélection et préparation, gages de meilleurs résultats et de complications moins nombreuses.

L’obésité n’est qu’un symptôme.

Traiter le symptôme seul (par la chirurgie), sans essayer d’amender les causes profondes, inconscientes de l’impérieux besoin de manger toujours plus, c’est mettre ce traitement en risque d’échec.

La consultation pour évaluation psychologique est inscrite dans les textes de consensus, comme un des pré-requis à la chirurgie de l’obésité morbide. Mais il ne doit pas tant s’agir d’un blanc-seing pour le chirurgien que d’une véritable prise en charge globale de la problématique de l’obèse.

Et, c’est une longue période de maturation du projet qui devrait être imposée et qui serait mise à profit pour un vrai travail d’introspection. A l’issue de celui-ci :
  • Soit la chirurgie parait envisageable, et aura de meilleures chances de succès, car on évitera probablement l’émergence de complications mécaniques, liées au comportement alimentaire (une part de l’angoisse qui le génère, ayant été soulagée)
  • Soit elle parait déraisonnable et doit être reportée si le sujet ne peut assumer pour le moment, une analyse plus approfondie.

Apprentissage et conditionnement pendant l'enfance


Les premiers vagissements du nourrisson réclamant la tétée pour soulager sa faim dévorante feront peut-être de lui plus tard un obèse. Pour le pédiatre Aldo Naouri (1), l’évolution des mœurs en matière d’alimentation du tout petit, la tendance depuis quelques décennies dans notre civilisation à répondre aux premiers cris pour le satisfaire sans plus attendre, seraient responsables du développement ultérieur de « l’enfant roi », incapable de supporter, à l’âge adulte, l’attente ou la contrainte. Il est probable que ce recours immédiat à la satisfaction orale se prolongera plus tard en prise alimentaire à la moindre contrariété, la moindre tension, la moindre angoisse.

Ainsi s’installe, dès la plus tendre enfance, une véritable addiction destinée à soulager de façon éphémère et illusoire, une tension sous jacente. 5 L’enfant « potelé » qui peut en résulter, se transformera bientôt en adolescent obèse, qui rentrera ensuite dans le cycle infernal des régimes yoyos, escaladant chaque fois une marche supplémentaire, jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, certains finissent par frapper à la porte du chirurgien.

Complexité de l’obésité


Bien sûr, le phénomène de l’obésité est beaucoup trop complexe pour qu’on puisse dégager une théorie uniciste. Bien d’autres facteurs sont à prendre en considération  et au-delà du rôle sans doute fondamental du comportement parental en face de la demande du nourrisson, on peut pointer notamment (2) :
  • Les traditions culinaires familiales ou ethniques,
  • Le développement de la civilisation d’abondance et de consommation (le nombre d’individus en surpoids dans le monde dépasse maintenant celui des sous alimentés),
  • La pression des industries agro alimentaires,
  • La précarité sociale, source d’inaction, de mise à l’écart et de « malbouffe »,
  • La montée de la dépression et de l’isolement dans nos sociétés.
La liste est longue et fait toute la difficulté de la prise en charge de l’obésité. Les facteurs socio économiques nous échappent et nous laissent impuissants. Le médecin est souvent en première ligne pour y répondre, mais ne sait pas en général comment s’y prendre. Les fameux régimes sont habituellement plus délétères à long terme que bénéfiques.

Réponse chirurgicale


Avec l’explosion du phénomène, est apparue progressivement une réponse chirurgicale, développée surtout au début aux USA, premier grand foyer de l’épidémie.

L’application de la coelioscopie à la pose des anneaux leur a donné un essor extraordinaire ces dix dernières années, en Europe notamment. Cette technique peu invasive, non mutilante, réglable et réversible semblait avoir beaucoup d’atouts. Malheureusement, les contraintes alimentaires et l’apparition avec le recul, des complications mécaniques, essentiellement de dilatation, ont fait par la suite déchanter.

Le Bypass, parallèlement s’est décliné lui aussi sous coelioscopie, ouvrant la porte à de nouvelles prouesses techniques. Les chirurgiens, séduits, ont enfourché ce nouveau cheval de bataille, malgré les risques inhérents à une opération beaucoup plus lourde et les conséquences malabsorptives mal maîtrisées. Ce montage permet une alimentation et un suivi moins contraignants que l’anneau, ainsi qu’une perte de poids plus spectaculaire. Il est en principe réservé aux BMI très élevés, aux déviances alimentaires sévères et aux échecs d’anneaux.

Quand malgré cela, certains obèses ne perdent pas assez de leur excès de poids, il est courant dans les congrès chirurgicaux, de leur voir proposer des montages encore plus malabsorptifs, réduisant en quelque sorte, le tube digestif à un « tout à l’égout ».

Prise en compte des facteurs psychologiques


Et le psychique dans tout ça ?, me direz-vous, à juste titre… Car il y a toujours une part importante dévolue à l’inconscient dans la genèse d’une obésité.

Plus les déviances alimentaires sont graves, plus en général, les tensions et l’angoisse sous jacentes sont bien présentes. Faire un Bypass peut être une réponse dans certains cas, mais n’est ce pas aussi laisser l’individu s’enfermer toujours plus avant dans son addiction alimentaire, qui ne s’en trouvera guère entravée ?

Quant à mettre un anneau, sans sélection ni préparation psychologique, c’est une aberration : les tensions qui poussent l’obèse à manger plus, avec gloutonnerie, ou à grignoter sans cesse, continueront d’être là, bien sûr, après la pose de l’anneau et seront la source d’une dilatation ou d’une reprise de poids, car ces habitudes alimentaires sont nécessaires à son équilibre : elles sont là pour soulager ses angoisses, mais de façon éphémère, il le sait, et culpabilise d’y recourir sans cesse, en devient dépendant, perd la confiance en soi, car il sait qu’il ne peut s’en passer.

Un chirurgien sollicité pour traiter l’obésité doit savoir faire comprendre cela au candidat et l’inciter à marquer une «pause » à l’occasion de cette demande, pour réfléchir à son mode d’existence, à ses contraintes, ses difficultés et accepter de s’en ouvrir à quelqu’un dont c’est le métier. Bien sûr, cette démarche est difficile, demande un très gros effort, rencontre des résistances d’autant plus solides que c’est l’inverse qu’est venue chercher la personne : une solution miraculeuse, dernier recours qui lui éviterait précisément de devoir régler certains comptes personnels trop douloureux. Or, c’est pourtant bien ce qu’il faut faire, en parallèle, quand on a plusieurs dizaines de kilos à perdre.

Beaucoup font, à cette annonce, marche arrière, ou vont consulter ailleurs. D’autres, heureusement, acceptent la démarche, car ils sont ouverts à l’introspection et savent déjà plus ou moins consciemment qu’ils ont besoin de mettre à plat certaines choses du passé : c’est pour eux le bon moment. Ceux-là mettront toutes les chances de leur côté, pour pouvoir supporter et gérer mieux leur anneau. Le risque de complication ne sera pas complètement écarté bien sûr, mais beaucoup diminué. Et, quand ils rencontreront des difficultés dans leur vie, une fois l’anneau posé, sans doute pourront-ils mieux les assumer, seront-ils plus sereins devant l’adversité et donc moins enclins à retomber dans leurs travers alimentaires.

Proposer une charte ?


Il faudrait que cette démarche d’introspection soit reconnue comme nécessaire, incontournable, que les gens sachent qu’en demandant une chirurgie bariatrique, ils devront un certain temps parler de leurs problèmes avec un psychologue.

Il faudrait même établir une charte, imposant un délai de réflexion de quelques mois, mis à profit justement pour cette introspection, car il ne s’agit pas d’un « simple tampon apposé sur un passeport », mais d’un véritable travail de maturation qui, s’il n’est pas concluant, doit amener, en concertation malade-psychologue-chirurgien, à repousser, ou annuler le projet.

Obstacles à la prise en charge psychologique


Plusieurs obstacles se dressent malheureusement. Le premier, déjà mentionné, est l’opposition du candidat. Cependant, si l’information est correctement amenée dans une attitude empathique avec l’obèse, ce peut être une graine semée, qui germera et lui sera utile un jour.

On se trouve aussi souvent en face de problèmes socio économiques avec une barrière culturelle ou financière ou simplement intellectuelle : problèmes de société donc, sur lesquels malheureusement, on ne peut avoir prise.

Obstacles à la prise en charge psychologique


Plusieurs obstacles se dressent malheureusement. Le premier, déjà mentionné, est l’opposition du candidat. Cependant, si l’information est correctement amenée dans une attitude empathique avec l’obèse, ce peut être une graine semée, qui germera et lui sera utile un jour.

On se trouve aussi souvent en face de problèmes socio économiques avec une barrière culturelle ou financière ou simplement intellectuelle : problèmes de société donc, sur lesquels malheureusement, on ne peut avoir prise.

Exemples cliniques


Voici quelques exemples cliniques tirés de consultations récentes, qui rendent compte des difficultés rencontrées et des solutions trouvées. Il s’agit de personnes qui, sans un passage un temps chez la psychologue, n’auraient probablement pas pu supporter un anneau, ou n’auraient pas pris certaines mesures dans leur existence qui les ont amenées à pouvoir l’utiliser efficacement. Certaines ont du pour cela, mûrir le projet de nombreux mois et ne sont revenues que quand elles se sentaient prêtes, d’autres ont continué leur travail d’introspection après la pose de l’anneau.

Mme S., IMC = 40
Cette personne qui travaille en cantine scolaire n’a jamais envisagé d’aller parler à une psychologue, mais sera très heureuse d’avoir fait la démarche et la reverra quelque temps avant la chirurgie. Elle reviendra aussi pendant deux mois peu après la pose de l’anneau à l’occasion de difficultés Revue à 5 mois, elle a perdu 28 kg et a récemment emmené son fils, adolescent (qui broie du noir et se lève manger la nuit) voir à son tour un psychologue.

Mme L., 28 ans, IMC = 39
Gros repas le soir et grignotage, Travail statique de guichetière avec horaires décalés, Bien que séparée, elle héberge le père de ses jeunes enfants pour qu’il les garde dans la journée, La psychologue estime que ce n’est pas le moment de la chirurgie. Elle la reverra plusieurs fois, 5 mois plus tard, elle a trouvé un poste de jour, s’est arrangée pour faire garder ses enfants par ses parents, a compris qu’elle a tout intérêt à poursuivre un peu sa thérapie, Rendez-vous est pris pour l’intervention.

Mme Ma., 28 ans, IMC = 41
Mme Ma. vit encore chez ses parents, s’ennuie, fait des CDD sans intérêt en attendant une formation. Elle reconnaît la nécessité d’un travail d’introspection, verra la psychologue pendant 5 mois, et perdra 15 kg. Je ne la revois que trois ans plus tard. Elle a maintenant un CDI qui la satisfait et ne vit plus chez ses parents. Elle va reprendre une psychothérapie plus près de chez elle et l’anneau est posé trois mois plus tard. En deux mois, elle perd 14 kg, mais ne se sent pas prête à assumer un serrage et préfère continuer de voir la psychologue pour s’y préparer.

Mlle C., 24 ans, assistante maternelle, IMC = 42
Cette patiente est d’abord venue à la réunion d’information, car elle connaît une ancienne opérée, et a déjà vu d’elle-même la psychologue et la reverra. Mais, pour des problèmes financiers, elle est orientée sur le centre médico psychologique de proximité, où elle est suivie une fois par semaine. Après la pose de l’anneau et deux premiers serrages, elle constate qu’elle a du mal à suivre le régime diététique, mais plutôt que d’envisager un troisième serrage, préfère d’elle-même continuer son introspection, pensant que le problème réside surtout en elle et non dans l’anneau.

Mr M., 40 ans, conducteur de travaux
Cet homme subit le stress du travail, pour lequel des problèmes articulaires croissants sont un handicap angoissant et l’ont obligé d’arrêter le sport, aggravant sa prise de poids. Son IMC est de 46, il grignote beaucoup, en plus de ses repas trop importants, Il accepte de voir la psychologue et la reverra plusieurs fois avec profit. Cela va l’amener à rechercher des missions sans travail physique, puis un CDI dans un tout autre domaine avec stabilité d’horaires et deux heures en milieu de journée pour déjeuner. Quand il se fait opérer 7 mois après sa première consultation, son anxiété a diminué, il ne grignote plus, a réduit les boissons sucrées et a perdu 7 kg.

Conclusion


Pour ce qui nous concerne, nous, chirurgiens, en tous cas (mais nous ne voyons qu’une infime partie de l’humanité en souffrance d’obésité), il faut savoir rester humbles et ne pas croire que la seule technique, aussi élaborée soit-elle, peut tout résoudre.

Le tube digestif échappe au contrôle de la volonté, il dépend du système neurovégétatif, lui-même en prise directe avec l’inconscient. Faire l’économie d’une visite à ce dernier est donc une erreur pour qui veut vraiment sortir de l’addiction alimentaire.

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