Traitement des formes localisées
Le traitement de la linite gastrique est difficile même au stade
de tumeur localisée. Il a été rapporté après
résection chirurgicale des chiffres de survie à 5 ans de
12 % à 18 % [21, 22]. Ces chiffres sont peu fiables car l'entité
linite n'est pas définie en tant que telle dans ces séries.
Moreaux, en 1986, avait rapporté une série clairement identifiée
de linites gastriques opérées avec un pourcentage de survie
à 5 ans de 2 % qui paraît plus proche de la réalité
de la linite gastrique dans sa forme typique [12]. La survie de ces formes
étendues est tellement faible à 5 ans que certains auteurs
ont affirmé que la linite gastrique n'était pas une maladie
chirurgicale [23]. Le pronostic des formes localisées est plus
difficile à définir ne s'éloignant pas pour certains
du pronostic des petits adénocarcinomes de l'estomac. Il est à
noter cependant que, même dans les formes diffuses, la chirurgie
reste la seule possibilité de guérison : 11 % des patients
ayant eu une résection à visée curative étaient
vivants à 5 ans dans la série de Moreaux versus 4
% seulement en cas de résection palliative [12]. Certains auteurs
japonais ont rapporté des survies beaucoup plus importantes en
réalisant des exérèses extrêmement larges.
Ces exérèses pouvaient comporter, outre la gastrectomie
totale, une exérèse pancréatique, une splénectomie,
une colectomie partielle. Ces gestes sont réalisés en France
de nécessité, mais il s'agissait là d'une technique
réalisée à titre systématique. Cinquante-quatre
patients traités ainsi ont présenté des complications,
dont plus de 30 % de fistules pancréatiques, avec cependant une
survie à 5 ans de l'ordre de 20 % qui reste modeste mais qui semble
un peu supérieure à ce qui avait été obtenu
par la même équipe lors d'une gastrectomie standard [24].
Ces exérèses larges ne sont pour l'instant pas reconnues
en Europe. On pourrait imaginer que les résultats de l'exérèse
sont améliorés par une chimiothérapie intrapéritonéale
immédiate, compte tenu de la fréquence de la carcinose péritonéale
dans cette maladie. Mais, là encore, on ne dispose pas encore de
données suffisantes pour recommander ce type de traitement.
Facteurs pronostiques dans les séries
chirurgicales
Les facteurs pronostiques classiques s'appliquent aux linites : plus
la tumeur est grosse et invasive, plus le pronostic est mauvais. Dans
le cas des linites, la tumeur est souvent grosse et donc de pronostic
très réservé. Dans la série de Visset et
al. [21] décrivant les résultats anatomopathologiques
de 49 patients ayant eu une résection, 71 % des patients avaient
un envahissement ganglionnaire et 97 % des emboles tumoraux lymphatiques.
Dans ces conditions d'atteinte ganglionnaire quasi systématique,
le fait d'avoir des ganglions envahis n'avait plus de valeur pronostique.
L'envahissement des recoupes est également une caractéristique
des linites, il était retrouvé au niveau de 22 % des recoupes
duodénales et de 25 % des recoupes œsophagiennes dans cette
série [21]. En plus de ces critères classiques, il a été
évoqué que le contenu en ADN des cellules pouvait avoir
un rôle pronostique. Ainsi, dans une série, parmi 43 tumeurs
dont 31 avec métastases ganglionnaires, la médiane de survie
des patients ayant une tumeur diploïde (67 % des cas) était
de 10 mois pour 6 mois chez les patients ayant une tumeur aneuploïde
[25].
Place de la chimiothérapie
Après résection d'une linite étendue, aucune étude
n'a démontré l'intérêt d'une chimiothérapie
adjuvante. L'intérêt de la chimiothérapie adjuvante
n'est d'ailleurs pas démontré, non plus au décours
d'un adénocarcinome banal. Compte tenu de la moindre efficacité
de la chimiothérapie en situation métastatique dans les
linites, il y a encore moins de chance pour qu'une chimiothérapie
adjuvante puisse avoir un intérêt.
Parmi les différents protocoles de chimiothérapie utilisés
à l'heure actuelle, les plus classiques semblent assez peu efficaces.
C'est en particulier le cas pour l'association 5-fluoro-uracile (5FU)-cisplatine
selon un schéma de 5FU perfusion 5 jours plus cisplatine donné
au deuxième jour. Dans une étude de phase II portant sur
les adénocarcinomes gastriques de tous types, l'existence d'une
linite gastrique était un facteur défavorable, à
la fois en termes de réponse et de survie médiane : 15 %
de réponse versus 52 % (p = 0,003), 6 mois de médiane
de survie versus 10 mois (p = 0,05) [26]. Dans une expérience
ultérieure avec comparaison historique, il semble que cette chimiothérapie
par 5FU et cisplatine se confirmait être peu efficace ; la chimiothérapie
par FLEP associant 5FU, acide folinique, épi-adriamycine et cisplatine
n'avait pas une plus grande efficacité avec 8 % de réponses
chez 12 patients évaluables. Le protocole FAMTX semblait un petit
peu plus efficace avec 36 % de réponses objectives au prix d'une
toxicité cependant considérable et c'est le protocole ECF
comportant du 5FU continu sur plusieurs mois qui a donné 33 % de
réponses objectives chez 10 patients qui semblaient avoir le meilleur
rapport efficacité/tolérance [19].
L'importante toxicité constatée en cas de linite gastrique
vient possiblement de la fragilité des malades et de l'extension
péritonéale entraînant une dénutrition importante.
Cette dénutrition est très souvent à l'origine d'une
hypo-albuminémie qui rend le protocole FAMTX comportant du méthotrexate
à hautes doses encore un peu plus dangereux et qui doit vraiment
être évité dans cette situation. Par ailleurs, il
apparaît sur un plan physiopathologique qu'il est logique de proposer
à ces malades une chimiothérapie assez prolongée
compte tenu du faible caractère cellulaire de ce type de tumeur,
l'exposition prolongée à la drogue pouvant, dans ce cas,
apporter un bénéfice potentiel. Dans ce cadre, il est évident
que l'avènement des 5FU oraux pourrait apporter un progrès
considérable, évitant au patient la perfusion continue prolongée
du 5FU. Un essai de phase I a déterminé les doses d'UFT
qui pouvaient être associées à l'épi-adriamycine
et au cisplatine pour aboutir au protocole ECU dans lequel la perfusion
continue du 5FU du protocole ECF est remplacée par l'analogue oral
de 5FU. Une étude japonaise va dans le même sens en rapportant
des résultats favorables avec l'association 5FU-cisplatine chronomodulée
sur 14 jours [27].