Plusieurs voies d’accès à deux nouveaux médicaments contre le virus de
l’hépatite C, le sofosbuvir et le siméprévir, vont se succéder jusqu’en
2014. Après des autorisations temporaires d’utilisation (ATU)
nominatives, les ATU de cohortes pourraient commencer à l’automne. Les
demandes d’autorisations de mises sur le marché (AMM) venant d’être
déposées, la commercialisation ne sont attendues qu’en janvier 2014 pour
le sofosbuvir, et en avril 2014 pour le siméprévir. En attendant, les
associations font pression pour que des réponses soient apportées aux
besoins les plus urgents.
Pour un certain nombre de personnes en situation d’impasse
thérapeutique, impossible d’attendre le processus de validation complet
d’accès aux traitements sous peine d’une dégradation rapide de l’état de
santé (cancer, décompensation de la cirrhose du foie nécessitant une
transplantation en urgence), voire du décès.
C’est pourquoi,
depuis plusieurs mois, les collectifs interassociatifs TRT-5 (dont AIDES
est membre) et CHV font pression auprès des firmes pharmaceutiques et
de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), pour qu’elles
accordent des ATU. Le tout dans un système qui n’a rien de simple et qui
implique de nombreuses parties prenantes : les hépatologues (qui
établissent les demandes pour leurs patients), l’ANSM (qui les accordent
ou pas), les firmes pharmaceutiques (qui décident de délivrer ou pas le
produit), l’Agence nationale de recherche contre le sida et les
hépatites virales (qui participe au recueil des données), les pouvoirs
publics (qui paient les traitements en cas d’ATU de cohortes), les
associations faisant pression pour accélérer le processus et d’élargir
les critères d’inclusions afin que personne ne soit laissé au bord du
chemin.
Les demandes AMM
Coté siméprévir (Janssen), la
demande d’AMM européenne a été déposée le 29 avril. Il s’agit d’une
anti-protéase du VHC de seconde génération, en une prise par jour (150
mg). Elle s’utilise combiné à une bithérapie standard par interféron et
ribavirine, chez les personnes vivant avec un VHC de génotype 1 ou 4. La
demande d’AMM concerne les adultes ayant une maladie du foie compensée
(cirrhose comprise), vivant ou pas avec le VIH, ayant ou pas déjà tenté
un traitement avec interféron. Selon les données disponibles, la durée
du traitement siméprévir + interféron + ribavirine est de 3 mois, avant
que la bithérapie soit poursuivie 3 mois de plus ensuite, voire 9 mois
pour les non répondeurs à un premier traitement.
Pour le
sofosbuvir (Gilead), la demande d’AMM européenne, sous une procédure
accélérée, a été enregistrée le 21 mai. Le sofosbuvir est une
anti-polymérase du VHC, en une prise par jour (400 mg). Les données
soumises à l’Agence européenne concernent l’utilisation du sofosbuvir +
ribavirine pour les VHC de génotype 2 et 3 (traitement "tout oral" en
comprimés). Mais il faut ajouter de l’interféron en cas de VHC génotype
1, 4, 5 et 6. La durée de traitement est là aussi de 3 mois, voire 4
mois pour les génotypes 3.
Les ATU nominatives
Si
certaines personnes peuvent bénéficier des nouveaux traitements par le
biais d’essais cliniques, ce n’est pas le cas de toutes (notamment en
raison des critères d’inclusion de ces essais, souvent assez stricts).
En
attendant, c’est donc par le biais d’ATU nominatives individualisées,
que certaines personnes en situation d’urgence thérapeutique peuvent
avoir accès à ces nouvelles molécules. Après une période assez longue où
très peu d’ATU avaient été accordées par l’ANSM, la situation semble
s’être légèrement débloquée au printemps. L’ANSM disait avoir autorisé, à
la mi-juin, une centaine d’ATU nominatives concernant différentes
molécules ou associations de molécules.
La plupart concernent le
sofosbuvir : 40 concernent des personnes en pré ou post transplantation
(avant ou après une greffe de foie), et 40 autres correspondent à des
personnes avec une cirrhose en impasse thérapeutique tous génotypes
confondus. Or, à ce jour, le laboratoire Gilead n’aurait accepté ces ATU
que pour les 25 personnes en post transplantation (c'est-à-dire après
la greffe de foie), suscitant la colère des collectifs TRT-5 et CHV qui
ont écrit à ses responsables fin juin. Dans un communiqué du 3 juillet, le TRT-5 a demandé que le laboratoire réponde aux besoins urgents de ces "personnes gravement malades".
Aucune demande n’a encore concerné le siméprévir.
L’ANSM
indique qu’elle sera en mesure de "protocoliser" ces ATU (c'est-à-dire
de fixer un cadre d’utilisation) dans les semaines qui viennent, ce qui
permettra un surcroit de sûreté et une amélioration du recueil
d’informations.
Les ATU de cohortes
Les ATU de cohortes de
ces deux médicaments devraient s’ouvrir au début de l’automne 2013.
L’ATU de cohorte du sofosbuvir devrait concerner les personnes en pré ou
post transplantation uniquement, tous génotypes du VHC confondus, avec
ribavirine et éventuellement de l’interféron quand son utilisation est
possible et nécessaire (pour augmenter les chances de guérison). Ce
choix de la firme obligera les médecins des personnes ayant une cirrhose
et en situation d'urgence thérapeutique à faire une demande d'ATU
nominative (la procédure est plus complexe).
Celle du siméprévir concernera probablement les personnes en urgence thérapeutique avec un VHC de génotype 4.
Le
TRT-5 et le CHV ont fait pression pour que ces ATU de cohortes soient
ouvertes aux personnes co-infectées par le VIH et le VHC. Cela devrait
être le cas, mais ce n'est possible qu’une fois que les firmes ont mené
et fourni les données d’interaction de ces nouvelles molécules anti-VHC
avec les médicaments anti-VIH courants.
Un recueil d’informations
est prévu avec la proposition d’inclusion dans trois cohortes ANRS : la
grande cohorte nationale des hépatites (Hépather) et la cohorte de la
co-infection (Hepavih), et dans la cohorte CUPILT en cours
d’installation pour les personnes en pré ou post greffe.
Lors des
ATU du bocéprévir et du télaprévir, les recueils permis par les cohortes
CUPIC et HEPAVIH avaient apporté beaucoup d’informations sur
l’efficacité et la tolérance de ces nouvelles molécules sur les
personnes difficiles à traiter.
AMM et commercialisation
L’AMM
du sofosbuvir est attendue au mieux en janvier 2014, celle du
siméprévir au mieux en avril 2014. Grâce à la mise en place d’ATU, la
commercialisation du sofosbuvir et du siméprévir sera effective dans les
jours ou semaines après l’AMM (contre environ un an sans ATU). Avec une
incertitude : le prix. On parle de sommes tournant autour de la dizaine
de milliers d’euros par nouvelle molécule et par mois, le traitement
durant généralement trois mois. Un tel effort sera-t-il soutenable en
temps de crise ?